FORUM ‘99 OF EUROPEAN CATHOLICS 
October 7-10, 1999

Organized by International Movement We are Church (IMWAC) 
and the European Network: Church on the Move (EN)

 

 
Pour une synodalisation de l’Église
Un concile amorcé par des "synodes sur le parvis"

INTRODUCTION. Le forum IMWAC 1999, acte synodal

Venus de différents pays pour discuter des problèmes qui concernent nos communautés, nous formons de fait un synode. Celui-ci n’est pas "canonique". Il n’en existe pas moins. Non pas en opposition avec celui qui se tient à Rome, mais à côté, à San Severo, sur le parvis. Nous ne nous sentons liés par aucune des limitations qui sont de règle là bas, dans le chœur. Pour qualifier notre fonctionnement, nous parlons spontanément d’"Église synodale". Qu’est-ce à dire? Pour le préciser, et prendre pleinement conscience de la portée de notre geste et des virtualités qu’il porte en lui, il faut le situer dans l’histoire de l’Église en y réfléchissant de quatre points de vue:

  • Dans quel contexte social, politique et culturel l’Église s’est-t-elle développée?
  • Quelle vision d’elle-même cette Église a-t-elle eue? en est-il résulté?
  • A travers quels moyens de communication a-t-elle pu grandir?
  • En fonction de cette situation, quel modèle de fonctionnement l’Église a-t-elle adopté.
REFLEXION SUR NOTRE HISTOIRE

1. L’Église de Jésus

  • Le mouvement de Jésus naît sur les marges d’un empire centralisé et dominateur, dans un pays "rebelle", mais où le pouvoir religieux constitue un contre pouvoir qui écrase aussi les "culs terreux", les esclaves (et les femmes). Il naît de quelqu’un qui a osé se poser soi-même comme "fils de l’homme", donc "fils de Dieu" né de l’Esprit, ce qui ébranle tous les systèmes de domination de l’homme sur l’homme en permettant à christianisme chacun(e) d’être lui(elle)-même.
  • Il est fait de petites communautés "Églises", qui se veulent peuple unique présent en différents lieux et se définissent comme "la voie". Ce réseau remet en cause le pouvoir "établi" et l’image qu’il donne des dieux qui lui fournissent en retour sa justification.
  • Les communautés locales se créent par contagion et établissent des liens entre elles en vue de rester fidèles à l’expérience primordiale des apôtres. Il n’y a pas de pouvoirs, mais des témoins (puis des témoins de témoins) dont l’expérience et le savoir font "autorité".

  • Les choix fondamentaux sur la façon de comprendre Jésus et sa signification pour le monde se font par accord mutuel après rencontres (concile [synode] de Jérusalem) ou débats d’idées (ouvrages des premiers "Pères de l’Église", souvent tâtonnants.
  • Cette expansion se fait par des gens qui se faufilent sur les routes romaines. Les communautés carrefours (patriarcats) jouent un rôle important de relais.
2. L’Église constantinienne
  • Constantin réunifie un empire qui croule et décide d’appuyer son pouvoir sur "la voie". Il l’installe.
  • En Occident, Augustin tente de penser "la cité de Dieu" par opposition  à (mais en fonction de) la cité des hommes (Rome). En Orient, l’osmose  entre l’empereur et le "pantocrator" s’affirme.
  • La division de l’empire provoque des conflits de pouvoirs dans l’Église  même (Rome et Byzance). L’effondrement de la centralisation impériale  valorise les Églises locales (conciles locaux importants).  L’effondrement culturel confère un pouvoir accru aux clercs (définis comme tels à cette époque), gardiens de la tradition. 
  • La communication se fait mal, ce qui provoque un éparpillement des Églises.
3. L’Église grégorienne
  • En Occident, l’empire disparaît, avant de renaître brièvement avec Charlemagne, puis de façon plus continue avec l’empire ottonien.
  • L’Église, unique source de cohésion intellectuelle et morale, tend peu à peu à se substituer à l’empire défaillant (légende de la donation de Rome), et pour cela, adopte son modèle, amis entrera par là-même avec la puissance politique renaissante. Grégoire VII (moine) cherche à reprendre en main "la cité de Dieu" et organise la conversion du monde barbare. Il "réforme" (unifie), la spiritualité (définie par des pratiques), les sacrements (efficaces !), la pensée (qu’on en finisse avec les discussions byzantines).
  • Epanouissement du réseau clérical, qui transmet la vie d’en haut vers le bas.
  • L’Église est essentiellement hiérarchique. Les ordres religieux (normalement plus "démocratiques" tendent en fait à renforcer le centre (comme aujourd’hui certaines communautés charismatiques).
4. L’Église des temps modernes
  • La renaissance (phénomène culturel qui revalorise le sujet), et surtout l’imprimerie, qui amplifie la communication des sources (la Bible) ébranlent la "chrétienté"
  • La crise remet en cause le fonctionnement clérical. Le système éclate. Naissance du mouvement protestant, d’essence plus démocratique, mais qui tend à s’éparpiller dans sa recherche de la meilleure forme de communauté. Mais cela fait aussi le jeu des pouvoirs politiques récusant l’empire, mais à leur profit. D’où des Églises de type très différents. Ce contre quoi le catholicisme se défend en s’appuyant de plus en plus sur l’empire et surtout en renforçant son pouvoir central. Après une remise en valeur du concile contre Rome (conciliarisme), Rome l’emporte de plus en plus, mais se coupe du monde moderne. Cela culmine avec l’infaillibilité. L’Église catholique se veut juridiquement "État parfait". Elle devient en fait forteresse. Les Églises locales tendent à devenir "ultramontaines" , non sans se défendre.
  • La communication se fait par décrets, bulles, etc., et l’expansion se fait par "missions". La mission, rendue possible par l’expansion européenne et les nouveaux moyens de communication, est elle-même européenne et centralisée.
  • Après Vatican I, plus besoin de concile. Le pape et la curie savent pour nous. Le modèle devient pyramidal.
ET MAINTENANT?
  • Communication accrue. Les grandes centrales identitaires (idéologiques, nationales) tendent à s’effondrer au profit d’un nouveau pouvoir anonyme dominateur: l’argent. Mais affirmation possible (dans quelles conditions?) des personnes. Démocratie grandissante. La nouvelle communication (internet) permet aussi de nouveaux fonctionnements.
  • Tendance à l’éclatement des grandes centrales religieuses. Tout ne doit plus passer par Genève ou par Rome. Après un effort d’ouverture (Vatican II. Retour au dialogue conciliaire. Emergence de synodes locaux)), la hiérarchie catholique sent s’effondrer son pouvoir et tend à le ressaisir. Mais elle n’a plus "l’autorité". Elle tend à bloquer la communication.
  • Nous commençons ici et maintenant à fonctionner autrement, parce que nous pouvons communiquer.
  • Pousser à fond le système. De notre forum, faisons un synode permanent. Sur le parvis. Donnons nous l’instrument d’un concile et commençons celui-ci.
UN MODELE POSSIBLE

Le "Synode sur le parvis" propose un modèle de base. Il comporte autat de rubriques qu’on le veut: forums, information, documentation, catéchèse, bible, liturgie, humour, définitions théologiques en langage moderne, etc. Peut-être peut il aider à penser ce que nous pouvons faire.

  • Il se veut synode, donc réalité d’Église.
  • Sur le parvis:non pas contre celui du chœur, d’où toute voix discordante est interdite d’avance, mais au point de rencontre du fidèle et du mendiant, du croyant et du passant, de l’Église et du monde. Là, on peut parler, rire, éventuellement détoner.
  • Les lieux d’échange, donc les forums, passent avant les autres rubriques, et surtout avant l’apport de documents. L’expérience montre que c’est par la porte des forums que la majorité des gens entrent. C’est en fonction de ce qui s’y dit qu’il faut fournir documents, instruments de réflexion. Les théologiens ne viennent pas en premier, mais en second. Le contenu (théologique, historique, biblique, liturgique) est au service de la vie.
  • Les forums peuvent conduire à des groupes en listes fermées: ceux qui désirent se consacrer à un sujet précis peuvent ainsi le suivre.
  • Nous pouvons multiplier de tels synodes (locaux, par langue) et les jumeler. C’est-à-dire pouvoir s’inspirer les uns des autres en fonction de la problématique propre à chacun; s’emprunter des documents; se transmettre leurs découvertes; appeler une réflexion d’experts … etc.
Si nous faisons cela, nous créons l’événement. Nul besoin de prendre le Vatican d’assaut. La hiérarchie finira bien par voir où est le peuple de Dieu. Déjà, au synode sur le parvis, certains évêques viennent en douce et prennent la parole sans mitre ni crosse. Eux aussi peuvent être heureux d’entrer en communauté de base. Ils seront alors reconnus.

Il va de soi que de tels synodes sont d’emblée œcuménique, mais peuvent être aussi propres à chaque Église. Alors pourrons entrer en concile.
 

Jean-Pierre Bagot (Paris)

9. Oktober 1999, Santa Severa, Rome, Italy
 


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Webpage Editor: Ingrid H. Shafer, Ph.D.
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Posted 9 October 1999
Last revised 9 October 1999
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