Pour une
synodalisation de l’Église
Un
concile amorcé par des "synodes sur le parvis"
INTRODUCTION.
Le forum IMWAC 1999, acte synodal
Venus
de différents pays pour discuter des problèmes qui concernent
nos communautés, nous formons de fait un synode. Celui-ci n’est
pas "canonique". Il n’en existe pas moins. Non pas en opposition avec celui
qui se tient à Rome, mais à côté, à San
Severo, sur le parvis. Nous ne nous sentons liés par aucune des
limitations qui sont de règle là bas, dans le chœur. Pour
qualifier notre fonctionnement, nous parlons spontanément d’"Église
synodale". Qu’est-ce à dire? Pour le préciser, et prendre
pleinement conscience de la portée de notre geste et des virtualités
qu’il porte en lui, il faut le situer dans l’histoire de l’Église
en y réfléchissant de quatre points de vue:
-
Dans quel
contexte social, politique et culturel l’Église s’est-t-elle développée?
-
Quelle
vision d’elle-même cette Église a-t-elle eue? en est-il résulté?
-
A travers
quels moyens de communication a-t-elle pu grandir?
-
En fonction
de cette situation, quel modèle de fonctionnement l’Église
a-t-elle adopté.
REFLEXION
SUR NOTRE HISTOIRE
1.
L’Église de Jésus
-
Le mouvement
de Jésus naît sur les marges d’un empire centralisé
et dominateur, dans un pays "rebelle", mais où le pouvoir religieux
constitue un contre pouvoir qui écrase aussi les "culs terreux",
les esclaves (et les femmes). Il naît de quelqu’un qui a osé
se poser soi-même comme "fils de l’homme", donc "fils de Dieu" né
de l’Esprit, ce qui ébranle tous les systèmes de domination
de l’homme sur l’homme en permettant à christianisme chacun(e) d’être
lui(elle)-même.
-
Il est
fait de petites communautés "Églises", qui se veulent peuple
unique présent en différents lieux et se définissent
comme "la voie". Ce réseau remet en cause le pouvoir "établi"
et l’image qu’il donne des dieux qui lui fournissent en retour sa justification.
-
Les communautés
locales se créent par contagion et établissent des liens
entre elles en vue de rester fidèles à l’expérience
primordiale des apôtres. Il n’y a pas de pouvoirs, mais des témoins
(puis des témoins de témoins) dont l’expérience et
le savoir font "autorité".
Les
choix fondamentaux sur la façon de comprendre Jésus et sa
signification pour le monde se font par accord mutuel après rencontres
(concile [synode] de Jérusalem) ou débats d’idées
(ouvrages des premiers "Pères de l’Église", souvent tâtonnants.
-
Cette
expansion se fait par des gens qui se faufilent sur les routes romaines.
Les communautés carrefours (patriarcats) jouent un rôle important
de relais.
2.
L’Église constantinienne
-
Constantin
réunifie un empire qui croule et décide d’appuyer son pouvoir
sur "la voie". Il l’installe.
-
En Occident,
Augustin tente de penser "la cité de Dieu" par opposition
à (mais en fonction de) la cité des hommes (Rome). En Orient,
l’osmose entre l’empereur et le "pantocrator" s’affirme.
-
La division
de l’empire provoque des conflits de pouvoirs dans l’Église
même (Rome et Byzance). L’effondrement de la centralisation impériale
valorise les Églises locales (conciles locaux importants).
L’effondrement culturel confère un pouvoir accru aux clercs (définis
comme tels à cette époque), gardiens de la tradition.
-
La communication
se fait mal, ce qui provoque un éparpillement des Églises.
3.
L’Église grégorienne
-
En Occident,
l’empire disparaît, avant de renaître brièvement avec
Charlemagne, puis de façon plus continue avec l’empire ottonien.
-
L’Église,
unique source de cohésion intellectuelle et morale, tend peu à
peu à se substituer à l’empire défaillant (légende
de la donation de Rome), et pour cela, adopte son modèle, amis entrera
par là-même avec la puissance politique renaissante. Grégoire
VII (moine) cherche à reprendre en main "la cité de Dieu"
et organise la conversion du monde barbare. Il "réforme" (unifie),
la spiritualité (définie par des pratiques), les sacrements
(efficaces !), la pensée (qu’on en finisse avec les discussions
byzantines).
-
Epanouissement
du réseau clérical, qui transmet la vie d’en haut vers le
bas.
-
L’Église
est essentiellement hiérarchique. Les ordres religieux (normalement
plus "démocratiques" tendent en fait à renforcer le centre
(comme aujourd’hui certaines communautés charismatiques).
4.
L’Église des temps modernes
-
La renaissance
(phénomène culturel qui revalorise le sujet), et surtout
l’imprimerie, qui amplifie la communication des sources (la Bible) ébranlent
la "chrétienté"
-
La crise
remet en cause le fonctionnement clérical. Le système éclate.
Naissance du mouvement protestant, d’essence plus démocratique,
mais qui tend à s’éparpiller dans sa recherche de la meilleure
forme de communauté. Mais cela fait aussi le jeu des pouvoirs politiques
récusant l’empire, mais à leur profit. D’où des Églises
de type très différents. Ce contre quoi le catholicisme se
défend en s’appuyant de plus en plus sur l’empire et surtout en
renforçant son pouvoir central. Après une remise en valeur
du concile contre Rome (conciliarisme), Rome l’emporte de plus en plus,
mais se coupe du monde moderne. Cela culmine avec l’infaillibilité.
L’Église catholique se veut juridiquement "État parfait".
Elle devient en fait forteresse. Les Églises locales tendent à
devenir "ultramontaines" , non sans se défendre.
-
La communication
se fait par décrets, bulles, etc., et l’expansion se fait par "missions".
La mission, rendue possible par l’expansion européenne et les nouveaux
moyens de communication, est elle-même européenne et centralisée.
-
Après
Vatican I, plus besoin de concile. Le pape et la curie savent pour nous.
Le modèle devient pyramidal.
ET
MAINTENANT?
-
Communication
accrue. Les grandes centrales identitaires (idéologiques, nationales)
tendent à s’effondrer au profit d’un nouveau pouvoir anonyme dominateur:
l’argent. Mais affirmation possible (dans quelles conditions?) des personnes.
Démocratie grandissante. La nouvelle communication (internet) permet
aussi de nouveaux fonctionnements.
-
Tendance
à l’éclatement des grandes centrales religieuses. Tout ne
doit plus passer par Genève ou par Rome. Après un effort
d’ouverture (Vatican II. Retour au dialogue conciliaire. Emergence de synodes
locaux)), la hiérarchie catholique sent s’effondrer son pouvoir
et tend à le ressaisir. Mais elle n’a plus "l’autorité".
Elle tend à bloquer la communication.
-
Nous commençons
ici et maintenant à fonctionner autrement, parce que nous pouvons
communiquer.
-
Pousser
à fond le système. De notre forum, faisons un synode permanent.
Sur le parvis. Donnons nous l’instrument d’un concile et commençons
celui-ci.
UN
MODELE POSSIBLE
Le
"Synode sur le parvis" propose un modèle de base. Il comporte autat
de rubriques qu’on le veut: forums, information, documentation, catéchèse,
bible, liturgie, humour, définitions théologiques en langage
moderne, etc. Peut-être peut il aider à penser ce que nous
pouvons faire.
-
Il se
veut synode, donc réalité d’Église.
-
Sur le
parvis:non pas contre celui du chœur, d’où toute voix discordante
est interdite d’avance, mais au point de rencontre du fidèle et
du mendiant, du croyant et du passant, de l’Église et du monde.
Là, on peut parler, rire, éventuellement détoner.
-
Les lieux
d’échange, donc les forums, passent avant les autres rubriques,
et surtout avant l’apport de documents. L’expérience montre que
c’est par la porte des forums que la majorité des gens entrent.
C’est en fonction de ce qui s’y dit qu’il faut fournir documents, instruments
de réflexion. Les théologiens ne viennent pas en premier,
mais en second. Le contenu (théologique, historique, biblique, liturgique)
est au service de la vie.
-
Les forums
peuvent conduire à des groupes en listes fermées: ceux qui
désirent se consacrer à un sujet précis peuvent ainsi
le suivre.
-
Nous pouvons
multiplier de tels synodes (locaux, par langue) et les jumeler. C’est-à-dire
pouvoir s’inspirer les uns des autres en fonction de la problématique
propre à chacun; s’emprunter des documents; se transmettre leurs
découvertes; appeler une réflexion d’experts … etc.
Si nous
faisons cela, nous créons l’événement. Nul besoin
de prendre le Vatican d’assaut. La hiérarchie finira bien par voir
où est le peuple de Dieu. Déjà, au synode sur le parvis,
certains évêques viennent en douce et prennent la parole sans
mitre ni crosse. Eux aussi peuvent être heureux d’entrer en communauté
de base. Ils seront alors reconnus.
Il
va de soi que de tels synodes sont d’emblée œcuménique, mais
peuvent être aussi propres à chaque Église. Alors pourrons
entrer en concile.
Jean-Pierre
Bagot (Paris)
9.
Oktober 1999, Santa Severa, Rome, Italy
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